Ekova - Heaven's Dust

Heaven’s Dust, sorti en 1998, est le premier album de ce groupe de world music… au sens propre, car avec une chanteuse Américaine, un percussioniste Iranien et un joueur d’oûd Algérien, Ekova peut se vanter d’avoir redéfini le terme “mondialisation” ! Premier album donc, enregistré en Belgique par André Gielen (un nom que l’on retrouve chez Lofofora…), qui ne passe pas inaperçu lors de sa sortie : la cohorte des journaux-dispenseurs-de-recommandations l’encense, surpris par une telle maturité, peu courante pour un premier jet.

Mais allons directement à la musique elle-même : de quoi s’agit-il ? Car le qualificatif “world-music”, s’il est bien pratique pour classer, est inutile dès qu’il s’agit de décrire. La musique d’Ekova se place à la croisée de plusieurs chemins : un premier créé par les sonorités de l’oûd, manié de main de maître par Mehdi Haddab ; un second ouvert par Arash Khalatbari, le percussioniste, maîtrisant ses divers instruments (djembé, derbouka, tar…) de façon assez impressionante. Enfin, une troisième voie (voix ?) vient se mêler aux deux précédentes, complétant ainsi l’équation : celle de Dierdre DuBois, chanteuse, âme et figure d’Ekova.

Mélangez tout ça, et vous obtenez une musique splendide, entre chansons traditionnelles (irlandaise pour In My Prime, iranienne pour Sabura) et virtuosité instrumentale, à l’instar du morceau Taksim (“improvisation” en Arabe) ; et pour brouiller un peu plus les pistres, quelques touches d’électronique viennent se rajouter ici ou là (Cyrille Dufay à la programmation).

Les textes, écrits alternativement en Anglais et dans une langue imaginaire, entre Hébreu et Turc, reflètent bien la personnalité sensible, “poétique” de Dierdre ; ils contribuent à la création d’un univers unique, proche de celui de Dead Can Dance bien que la musique diffère énormément, un univers tour à tour apaisant (Helas and Reason), orageux (Todosim), intimiste (Sebrendita)…

J’ai parlé plus haut d’André Gielen, ingénieur du son qui travaille avec Lofofora ; les connexions ne s’arrêtent pas là, puisque les deux groupes ont enregistré plusieurs morceaux ensemble, Shiva Skunk sur Peuh ! de Lofofora, une reconstruction de Sister sur l’album de remixes d’Ekova Soft Breeze And Tsunami Breaks… Un constat qui souligne l’ouverture d’esprit des uns comme des autres, l’absence de frontières là où règne la sincérité.

Finalement, Heaven’s Dust est bien une véritable perle… dont on n’a pas fini d’admirer les reflets, tant est grande sa richesse musicale !

— Ekova, Heaven’s Dust, Atmosphériques, 1998
Chronique publiée initialement sur acontresens.com

Jérémy Garniaux
Jérémy Garniaux
Cartographe & développeur