Saul Williams - Saul Williams

Slameur virtuose au Nuyorican Poet’s Cafe, acteur exceptionnel dans Slam de Marc Levin et dans diverses pièces de théâtre telle Tibi’s Law, auteur de plusieurs recueils de poésies (She, The Seventh Octave) interprète hors normes sur son premier disque, Amethyst Rock Star, activiste pacifiste avec Not in our name, collaboration exceptionelle avec différents DJs (DJ Goo, Coldcut, DJ Spooky) pour s’opposer à la guerre en Irak…

Les faits d’armes de Saul Williams s’étendent, confirmant chaque fois un peu plus le talent du New-Yorkais, diplômé de théâtre et de littérature. Parti du slam, cette discipline à mi-chemin entre poésie et déclamation, il a su, en élargissant sa « palette d’expression artistique », gérer un éclectisme parfois synonyme de médiocrité. L’un des meilleurs exemples restant cet album, Amethyst Rock Star.

La composition du groupe qui l’entoure annonce la couleur : guitare, basse, batterie, violon, violoncelle, clavier et DJ, avec au passage une participation du batteur des Red Hot sur Om Nia Merican, titre aux sonorités évoquant Rage Against The Machine. Un combo peu habituel pour un album catégorisé hip-hop, révélateur d’une certaine ouverture, d’une mentalité n’ayant pas que des partisans dans ce milieu, à l’image des expérimentations d’Antipop Consortium, de Buck 65 ou, côté français, de Kabal. Le fait de retrouver Saul Williams en duo avec Djamal, ex-chanteur de Kabal, sur un des morceaux d’In Vivo, nouveau projet de ce dernier, confirme d’ailleurs cette proximité.

Amethyst Rock Star transpire le rock (Rick Rubin, le producteur, considéré par Williams comme son mentor, n’y est d’ailleurs pas étranger). Un rock hybride, mêlé d’électro, et d’une touche mélodique parfaitement orchestrée, menée par les cordes. Et au-dessus de tout cela, la voix de Saul Williams. Sincère, profonde, rageuse, presque métaphysique si le qualificatif pouvait s’y appliquer, à l’égal des textes : parfois pleins d’une poésie surréaliste et métaphorique… In a past life I was a woodcarver’s knife, the sharpened blade of a woodcutter, the eldest son of a chief’s brother… Dissection of drum beats like Osirus by Seth / Break beats into fourteen pieces / Dissembled chaos as organized noise / A patchwork of heart beats to resurect true b-boys… Le bonhomme aime les mots, et nous les fait aimer. We have found evidence that hip hop’s standard 85 rpm when increased by a number at least the rate of its standard or decreased at ¾’s of its speed may be a determining factor in heightening consciousness… Loin du donneur de leçon, Williams cherche plutôt à provoquer chez l’auditeur un tourbillon mental, à lui faire prendre conscience de sa propre force en ouvrant des portes sur d’innombrables thèmes, à la manière d’un philosophe urbain.

Il a d’ailleurs, du philosophe, cet autre trait : les influences-références spirituelles nombreuses et extrêmement variées, dont un aperçu nous est donné sur Coded Language : de Lennon à Guinsberg, en passant par Gurdjieff, Rachmaninov, Siddharta ou Gibran…

Les onze titres qui composent cet album reflètent différentes ambiances, plutôt hip hop pour certains (Lalala, 1987), plus rock pour d’autres (Om Nia Merican), au beat électro parfois dominant (Penny For A Thouht, Coded Language), mais le plus souvent inclassables, fusion réussie de tous ces éléments. A noter aussi, le côté slam qui perce de temps en temps, sur Untimely Meditations notamment, enrichissant encore l’ensemble. Et lorsque le MC décide de pousser ses cordes vocales pour chanter véritablement, c’est une claque de plus pour l’auditeur, en témoigne Fearless ou Wine.

Bref, un premier essai en forme de coup de maître, que l’on espère suivi de nombreux autres… à commencer par son prochain livre, Said the shotgun to the head, à paraître en septembre aux Etats-Unis.

— Saul Williams, Amethyst Rock Star, American Recordings, 2001 _Chronique publiée initialement sur acontresens.com_c

Jérémy Garniaux
Jérémy Garniaux
Cartographe & développeur