Massive Attack - Mezzanine

Fi des précautions sémantiques: Mezzanine, troisième album de Massive Attack, est un joyau. Une pure merveille, intemporelle, éblouissante, destinée dès la naissance à s’inscrire au Panthéon des pièces maîtresses. Mezzanine a cette force, ce souffle peu fréquent qui balaye tout sur son passage – pour qui veuille bien se donner la peine de s’immiscer dans son monde. Massive Attack réussit ici à approcher chaque émotion, joie tristesse angoisse mélancolie colère, passe d’une légèreté aérienne (Exchange) à la profondeur la plus insondable (Mezzanine), saisit aux tripes et coupe le souffle. Et l’impression se confirme au fur et à mesure des écoutes, la basse devient de plus en plus organique, les voix (Horace Andy, Elizabeth Fraser, Sara Jay, 3D Del Naja et Grant Marshall) gagnent en justesse, l’univers particulier de l’album se dévoile peu à peu pour révéler sa nature universelle, justement. Car c’est bien de cela dont il s’agit : les samples avoués du Velvet Underground, des Cure ou d’Isaac Hayes sont là pour le rappeler, Massive Attack ne souscrit à aucune chapelle, si ce n’est celle de la grande musique.

Porteur d’une évolution marquée par rapport aux deux premiers albums (le no protection de Mad Professor mis à part), Mezzanine donne l’impression d’un aboutissement, d’un sommet. L’écoute du peu convaincant dernier album du collectif accentue ce sentiment – parler d’un groupe est un peu exagéré lorsque l’on sait que des trois membres fondateurs ne reste que Robert Del Naja… la notion d’alchimie musicale prend alors tout son sens.

Peu de choses à rajouter, la beauté ne supporte pas la métaphore et ce n’est qu’en l’écoutant que l’on peut, si ce n’est cartographier, du moins approcher Mezzanine, distinguer les premiers récifs de ses côtes et humer l’atmosphère qui s’en dégage. Bon voyage.

— Massive Attack, Mezzanine, Delabel, 1998
Chronique publiée initialement sur acontresens.com

Jérémy Garniaux
Jérémy Garniaux
Cartographe & développeur