Lofofora - Le fond et la forme

Presque deux ans, déjà. Le temps passe vite… Et peut-être fallait-il ça. Deux ans pour voir venir, deux ans pour observer la tranquille mutation de Lofofora. Exit Farid, responsable depuis de la création d’In Vivo, et en pause sabbatique (?) pour le moment. Exit aussi le batteur Edgar, dont les martèlements de bûcheron sur Vive le Feu resteront gravés dans les oreilles…

Le Lofo nouveau tient la route. Les artisans sonores que sont Pierre, ancien batteur d’Artsonic, et Daniel, gratteux de Noxious Enjoyment, ont depuis largement fait leurs preuves en concert. Changement de Fond, pour amener une nouvelle Forme… Une Forme qu’on verrait bien à côté de Suicidal Tendencies, entre autres. Fusion renouvelée et créatrice. Un son plus rêche dû à cette Gibson Les Paul qui ne quitte pas Daniel. Plus saccadé aussi, comme en opposition aux riffs agréablement chaotiques de Farid…

Et ceux qui restent ? Et bien, ils restent. Fidèles à eux-mêmes sans être bornés, droits dans leur quête. Un Reuno toujours acide et pourtant pacifié, apte malgré les embûches à souhaiter la Bienvenue aux jeunes humains à peine arrivés. Toujours en lutte, coincé entre une Carapace de plus en plus nécessaire et le défi (…) d’avancer avec la family… Des textes parfois plus simples que d’habitude, mais qui révèlent aussi un désir de renouveau, d’évolution. Se mettre en danger, tout le temps.

Je me demande parfois si c’est à cause des fréquences inhabituelles de la basse que l’on parle peu des bassistes. Ou ces derniers sont plus discrets que la moyenne ? Phil ne déroge pas à la règle. Présent depuis un bon bout, pour ne pas dire tout le temps, il remplit son office avec brio… Et s’aventure même à tâter du piano pour une revisitation occulte de Bienvenue Sur La Terre.

Chroniquer un disque de Lofofora équivaut à émettre un jugement sur une bande de potes. Peu évident. Car le groupe a réussi, après tant d’années d’écumage de scènes, à rester humble, humain… Un simple regard à leurs équivalents (= même longévité, même popularité) en dit long. Et c’est peut-être là leur plus grande œuvre, toujours en cours : tenter d’apporter une conception nouvelle, sinon depuis longtemps oubliée au statut de « musicien populaire ». Lofofora est un groupe de musique populaire, avec toute la noblesse que l’expression peut comprendre.

Alors fi des critiques – d’ailleurs peu nombreuses, et justifiées par la nécessaire prise de repères d’un groupe dépoussiéré. Apprécions, savourons Lofofora tant qu’ils sont là. Et un petit tour du côté d’une scène locale, où ils ne manqueront pas de venir mettre le feu un jour ou l’autre, vaudra bien plus que beaucoup de mots. Longue vie à Lofo !

— Lofofora, Le fond et la forme, M10, 2003
Chronique publiée initialement sur acontresens.com

Jérémy Garniaux
Jérémy Garniaux
Cartographe & développeur