Pour clore ce retour d’expérience, nous souhaitions évoquer certaines questions éthiques apparues lors de la mise en œuvre de l’application mobile, en particulier en regard de la publication sous licence ouverte des données produites par les chercheurs sur le terrain.
Parmi les données recueillies, celles concernant les prospections de terrain et les inventaires de lithothèques intègrent des données à caractère personnel dont la géolocalisation des chercheurs ayant saisi les données sur terrain. Or, les acteurs concernés n’ont que rarement conscience des conditions de stockage ou des modalités de diffusion de ces données.
Il nous a semblé que les risques de pillage de lieux patrimoniaux (sites archéologiques ou gîtes de matériaux siliceux), liés à la diffusion des données enregistrées, posait davantage de problèmes que la diffusion des données personnelles des enquêteurs.
En effet, il est possible de restituer les pratiques de travail d’un chercheur jour par jour (et même heure par heure) à partir des métadonnées non-anonymisées qu’il a produites avec l’application mobile. On peut ainsi visualiser les déplacements par dates et par heures, dans l’ordre où ces données ont été renseignées. Les données et métadonnées sur les relevés de terrain renseignent par conséquent sur les pratiques de travail des chercheurs sur leurs terrains respectifs.
Le fait de voir ces données diffusées sur l’application cartographique n’a soulevé, pour l’instant, aucune question ni refus, alors que dans le même temps, des craintes claires ont été exprimées sur la diffusion des données de localisation des points de collecte - eu égard aux risques de pillage des sites.
Pour la communauté scientifique concernée, la valeur patrimoniale des gîtes semble davantage problématique que la valeur des données à caractère personnel et les risques de leur diffusion.
On peut émettre aussi l’hypothèse que les inconvénients à voir les données à caractère personnel diffusées sont moindres en comparaison des bénéfices tirés de l’usage de l’application mobile. Celle-ci permet enfin aux chercheurs de participer à une œuvre collective de production de données selon un même modèle et un même cadre d’acquisition, ce qui a longtemps été un point majeur de difficultés à la collaboration.
Ces questions sont abordées dans le cadre de la thèse de Christophe Tufféry en cours depuis 2019 à CY Cergy Paris Université en relation avec l’Institut National du Patrimoine (Inp), portant sur les effets du numérique sur l’archéologie et les archéologues.